Bouddha land

Attention aux personnes allergiques, cet article pourrait contenir quelques traces de Bouddhas. La rédaction décline toute responsabilité en cas de réaction épidermique ...

 

De Mandalay, on peut se rendre aisément à Monywa en 3h de route. Cette ville et ses alentours abritent une concentration de bouddhas au-delà du concevable comme si l'on cherchait à tout prix à battre record sur record : plus grande concentration, le plus haut, le plus long, le plus ... ??? ... bouddhique ? Pour y accéder, les péages routiers se multiplient : la plupart du temps, on paie curieusement au poids du véhicule. Sur les bords de la chaussée, aux entrées de villages, il y a souvent comme une haie d'honneur de locaux qui secouent des pots de laiton au rythme d'une musique tonitruante : il s'agit de collectes de fonds destinées soit à l'édification d'un nouveau stupa, soit à la prochaine fête du nouvel an birman. La route est excellente, souvent au milieu de champs ou de cultures, plus rarement perçant une rangée d'arbres. Ses bas-côtés sont de sable car des charrettes à boeufs y circulent ou des petits camions dont le moteur est à l'air libre un peu à l'avant de l'habitacle. La plupart des maisons sont en bambous tressés.

Profitons-en pour parler un peu environnement et écologie : au Myanmar, les déchets ne sont pas ramassés chez l'habitant mais dans des points de collecte (un par quartier dans les villes). Ensuite, ils sont enfouis ou entassés. L'incinération n'est pas encore très développée mais quand elle est en place, elle se couple avec une récupération de l'énergie produite. Dans le pays, on voit souvent des détritus un peu partout, cela date d'une ère pas si lointaine où l'emballage des produits était constitué de feuilles d'arbres. Depuis que le plastique s'est répandu, les comportements n'ont pas évolué et les gens continuent de jeter par terre. Malgré tout, les plus jeunes suivent désormais des leçons sur le sujet. Outre les déchets, l'eau n'est pas non plus traitée : les rejets se font directement dans les rivières sauf à Yangon.

Pour voyager d'une ville à une autre, le train est une alternative peu chère mais horriblement lente. Il faut par exemple 15h pour rallier Mandalay depuis Yangon quand on ne met que 8h par l'autoroute ... Le réseau de bus est lui aussi bien développé : il y en a des grands comme des petits, des climatisés ou pas, avec ou sans réservation. Les arrêts ne sont pas nécessairement fixes : ils peuvent se faire sur demande. Les bagages sont toujours à payer séparément.

Au bout du chemin, Monywa, petite ville avec une pagode plutôt impressionnante et une église partiellement dédiée à Notre-Dame de Lourdes. En sortant sous la chaleur accablante de début d'après-midi, j'assiste notamment au ballet des locaux qui viennent s'alimenter en eau potable. Et à la nuit tombée, on peut y découvrir un bon petit marché local où je vous recommande le gâteau à la banane à l'apparence aussi lourde qu'il est pourtant léger et moelleux.

Ce n'est toutefois pas pour ces quelques curiosités que je parle de ce coin. Les attractions se trouvent dans les environs immédiats de la ville et se prêtent à une excursion d'une demi-journée à une journée selon votre capacité à saturer rapidement et votre moyen de locomotion.

Le mieux si votre esprit est encore ouvert à tout, c'est de commencer par l'ensemble et la paya Thanboddhay. L'architecture est improbable et unique dans le pays, comme si on avait parachuté ces éléments disparates à cet endroit précis. Dépassés les éléphants blancs géants de l'entrée, on laisse sur la droite un pavillon rose bonbon aujourd'hui résidence de moines, autrefois dispensaire édifié par un religieux illuminé. Deux tours voisines semblent importées d'un Disneyland local : coiffées d'un bulbe, l'une est enserrée par un escalier en colimaçon, l'autre par un serpent stylisé. La première s'escalade pour avoir une très belle vue du complexe mais l'effort est cuisant l'après-midi dans le mesure où la montée pieds nus sur des marches surchauffées au soleil vous marquera à coup sûr.

Vous arrivez enfin devant un coup de coeur : la pagode qui abrite entre 580 000 et 5 000 000 de bouddhas selon les estimations des forces de l'ordre athées ou des alcooliques anonymes. La seule chose qui est sûre, c'est que, où que vous soyez, Bouddha "is watching you". Des formes, statuettes ou sculptures de toutes les tailles sont alignées partout : colonnes, frises, pièces, couloirs, ... horizontalement ou verticalement, au 1er, 2nd ou 3ème plans, à droite, à gauche, en haut ... Partout ! Le site provoque d'abord l'humilité et l'étourdissement sur les hommes, une envie de jouer sur ce mur d'escalade pour les écureuils qui prennent les bouddhas pour des prises. Dans un second temps, vient soit l'admiration soit le rejet violent des néo-bouddhaphobes, une ethnie qui va sacrément souffrir dans le pays. Spécificité suffisamment rare pour être soulignée : il peut y avoir dans le sanctuaire des bouddhas noirs. Ils sont en fait couverts de laque et attendent d'être prochainement "décorés" de feuilles d'or laissées par les dévots. Car la répétition de ce rite peut totalement défigurer les sculptures comme on le verra ultérieurement.

Si votre esprit demeure ouvert après ce premier site tant mieux car je vous ai conseillé une succession d'excursions au départ de Monywa. Donc pour continuer, je vous propose d'aller en enfer et si vous êtes sage (et méritant) d'approcher du paradis. A peu de distance du premier site, se trouve un autre complexe nommé Bodhi Tataung. Le site est aujourd'hui en plein travaux d'agrandissement mais comprend déjà plusieurs "attractions". Repérable à plusieurs kilomètres à la ronde, un bouddha debout de 140m serait le plus haut du monde. Il faut à tout prix visiter son intérieur qui se décompose en 3 parties. Les étages inférieurs sont couverts de fresques représentant les enfers. Je les déconseille profondément aux enfants qui pourraient être choqués mais les recommande aux psychopathes en manque d'inspiration car je ne crois pas qu'une seule personne puisse envisager autant de souffrances et de tortures. Comme on ne s'y sent pas très bien, on continue de monter en passant par une salle parrainée par le Cambodge où l'on peut voir une représentation d'Angkor Wat. Au bout d'une douzaine d'étages, on atteint à son grand soulagement et son non moins grand essoufflement les niveaux terrestres où la vie semble tout de suite bien plus sympathique. Les escaliers vous invitent à continuer l'ascension qui promet symboliquement d'accéder au nirvana. Symboliquement seulement car l'équivalent de St Pierre dans le bouddhisme est parti avec les clés et vous vous heurtez à un portail au 16ème étage seulement. Le nirvana attendra, vous pouvez redescendre aux enfers autant que possible avant 17h pour ne pas risquer d'y passer la nuit...

Aux pieds du premier, un autre bouddha géant s'étale de tout son long sur 95 mètres appuyé sur son coude dans une contemplation de l'horizon. Depuis que je suis arrivé, on me prend pour un cochon d'Inde et on m'a expédié en enfer mais la série continue à présent avec une expérience encore plus bizarre : vous êtes réincarné en suppositoire et pouvez rentrer dans le Bouddha allongé par la fesse gauche. L'architecte a je pense un léger problème... Une fois à l'intérieur, vous pouvez faire le tour du propriétaire pour en apprendre plus sur la vie du Bouddha historique par l'intermédiaire de quelques statues et fresques. Voici quelques explications rapides sur ces scénettes : la mère du Bouddha a vu dans un rêve un éléphant blanc qui lui rentrait dans le ventre : c'est l'annonce de la naissance du Bouddha. Cette dernière est figurée par un enfant le bras et l'index pointés vers le haut. Généralement, il est accompagné de 7 fleurs de lotus pour symboliser ses 7 premiers pas. Au début de sa vie, Siddhârta de son vrai nom était un prince vivant richement dans un palais. Un jour il a décidé d'aller voir le monde et alors qu'il ne connaissait que la beauté, la force, la richesse et la santé, il va faire 3 rencontres qui vont changer sa vie : la vieillesse, la maladie et la mort. Ebranlé, il quitte le palais, laissant derrière lui sa femme et son jeune fils et part dans la forêt se livrer à des exercices extrêmement éprouvants qui le laisseront à l'article de la mort. Très amaigri, il change de voie pour trouver le salut et se réfugie sous un arbre sacré, un banian, où il se met à méditer. Il sera bien approché par des démons, des ogres et autres mauvais génies pour tenter de le corrompre mais en vain. Et un serpent géant viendra aussi lui fournir protection. C'est le "naga" qu'on voit un peu partout dans les régions asiatiques. Bouddha finira par accéder à la vérité qu'on appelle l'Eveil ou Nirvana, à se détacher de tout désir, pour ne plus éprouver de souffrance. Avant de disparaître, il n'aura de cesse de dispenser son enseignement à des auditeurs. Voilà ce qui est compté dans ce Bouddha comme dans bien des temples du Myanmar. Une belle histoire pour une sage philosophie...

Votre bouddhomètre monte mais je sens que vous en reprendrez bien encore un peu. Cette fois-ci allons au jardin de ce même ensemble. Un peu de verdure pour s'aérer l'esprit, ça fait toujours du bien, n'est-ce pas ? Passons le portail et empruntons l'allée couverte. Quoi "là ... dans les buibui ... dans les buissONSSS !!!!" ? Ah oui, j'avais oublié de préciser que nous sommes dans les jardins des milliers de Bouddhas. Les estimations varient entre 1 000 et 8 000 (comme quoi les problèmes avec les maths ce n'est pas que dans les écoles en France) mais à ce stade de la journée, avec le soleil déclinant, nous n'en sommes plus à quelques milliers près vous en conviendrez certainement. Les statues sont ici alignées dans toutes les directions : horizontalement, verticalement, en diagonale. Beaucoup se ressemblent sauf, parfois, la première de la série. L'espace vert est si grand qu'il déborde de l'autre côté de la route et s'attaque même à une tour ronde.

La journée s'achève. Je l'ai vraiment appréciée en dehors du petit passage "suppositoire". J'espère que vous n'êtes pas en overdose parce qu'après le marché de nuit de Monywa, j'avais pensé à une petite soirée prières au temple principal ? Sinon on peut aller au lit comme les poules à 19h35, avant de recommencer demain. Au fait, "welcome in Buddha land" !

 

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