Les temples de Bagan (UNESCO)
Bagan est un site gigantesque qui s'étend sur 67km². Bordé par l'Irrawaddy au nord et à l'ouest, la carte de la zone archéologique a une forme semblable à la partie ouest du Pas-de-Calais. Mais ici il n'y a pas de beffroi, ni de Chtis (ou c'est un hasard) et encore moins de corons, plutôt un océan de savane constellé de pagodes. A l'origine, il y en avait 4000. Les ravages de l'Histoire (passage des Mongols ?), du temps et les caprices de la Terre (séismes) en ont laissées dans les 2000 debout. Le gouvernement comme l'UNESCO, conscients de la valeur de ce patrimoine, ne lésinent pas sur les restaurations, parfois pas très fidèles lorsqu'elles sont entreprises par le premier.
3 villages bornent cette "partie ouest du Pas-de-Calais" : Old Bagan au nord-ouest, tapi derrière la muraille de l'ancienne cité royale qui n'a pas protégé ses habitants d'une relocalisation forcée en 1990 vers le sud-ouest à New Bagan. Enfin, au nord-est, Nyaung U qui serait le bourg le plus animé du trio. Même après 20h ?
Il n'est pas concevable de tout voir sur le site sauf si vous avez quelques mois devant vous et une passion inextinguible pour l'architecture birmane. 3 ou 4 jours permettent déjà de se faire une bonne idée. Les moyens de locomotion possibles sont variés : bus locaux, taxis, vélos, scooters électriques, à pied ... Ils peuvent être combinés à volonté. Par contre, renseignez-vous sur la météo car l'après-midi, il peut faire très chaud : plus de 40°C par exemple au moment de mon passage en mars ! Il y a aussi la montgolfière pour découvrir différemment le lieu. Si cette option est tentante, deux points viennent modérer mes ardeurs : le lever de soleil extrêmement matinal et plus encore le fait de ne pas être aidé financièrement par une très riche et vieille dame à la mémoire fragile qui récompense ses visiteurs par des chèques grassouillets et est en conflit avec sa fille. Le vol coûte en effet plus de 300€ en 2016, ce que seul un compte au Panama permettrait de couvrir. Or je ne suis pas censé en avoir. Certes, tous ceux qui ont consenti à cette dépense se déclarent ravis de l'expérience mais, à ce prix-là, est-ce que quelqu'un oserait se reconnaître déçu ?
A mes yeux, ce qui est beau à Bagan, ce ne sont pas forcément les temples pris individuellement : il ne s'agit après tout que d'un ensemble de briques rouges assemblées en suivant une forme générale (la cloche) que l'on peut décliner à l'envie. Non, la beauté, le mystique, le surprenant vient de la densité : où que l'on porte le regard (du moment que l'on ne soit pas voûté), on voit en permanence une ribambelle de sanctuaires d'aspect fort différent si on y prête bien attention. Si on est voûté, on ne verra que ses pieds de toute façon ...
Je ne vais pas décrire ici toutes les pagodes visitées car je m'endormirais autant en l'écrivant que vous en lisant. Concentrons-nous donc sur les plus remarquables si vous le voulez bien :
- Paya Shwezigon : c'est la plus sacrée de toutes car elle abrite des reliques du Bouddha (une copie de la dent de Kandy au Sri Lanka et des morceaux d'os). C'est là que vous trouverez à coup sûr votre "team" préférée : pèlerins à casquettes vertes ou à bobs roses ou jaunes. Pour les reconnaître en dehors du couvre-chef : une classe d'enfer, des prières assez vite expédiées au regard de la distance parcourue pour venir jusqu'ici puis quelques selfies avec Bouddha himself (ce qui est contraire aux normes de comportement attendues) ou avec les touristes exotiques que nous sommes si Bouddha est occupé avec d'autres trublions. Shewezigon c'est aussi un plan birman avec 3 terrasses carrées décorées de plaques en émail relatant les précédentes réincarnations du Bouddha, 1 terrasse octogonale, 1 circulaire et le sommet doré coiffé d'une ombrelle sertie de pierres précieuses. A l'intérieur, un Bouddha de 4m garde chaque point cardinal et des statues des esprits (les nats), vestiges de l'animisme, sont toujours vénérées et tolérées par crainte de les fâcher. Un petit rituel y est attaché auquel on peut éventuellement se prêter : une pierre ronde est posée devant leur représentation. Il faut prier le nat puis faire un voeu. On soulève ensuite la pierre et, si on la trouve légère, le voeu sera exaucé, sinon on peut recommencer. Une belle définition de la subjectivité et de la versatilité !
- Le Pahto Dhammayangyi est l'édifice le plus massif, visible de loin. Le style est môn car plus horizontal et moins haut. Ce temple se caractérise par un double couloir, intérieur et extérieur, sachant que le 1er a été comblé. Sur un de ses 4 côtés, 2 statues côte-à-côte ce qui est unique : il s'agit du Bouddha historique et du Bouddha du futur, Maitreya. Dans le bouddhisme, il y a en effet non pas un, ni 2 mais 5 Bouddhas ! Il y a peu de connaissances sur les 3 premiers. Sakyamuni ou Gautama (celui que l'on connaît) est le 4ème et une prophétie en annonce un 5ème dans le futur, le moment ne semblant toutefois pas encore arrivé.
- Le Pahto Thatbyinnyu dont la 2nde partie du nom évoque un instrument breton, même si c'est là pur hasard et que ça n'a rien avoir avec le présent sujet. Ce "temple de l'Omniscience" est le plus élevé de tous.
- Pour finir, 2 temples atypiques : Kyanzitha Umin où avec une frontale vous pourrez voir des fresques de mongols et Nathlaung qui est le seul temple hindou du site, dédié à Vishnu mais où l'on peut aussi croiser ces bons vieux Brahma le Créateur et Shiva le Destructeur. Salut les mecs, ça fait un bail depuis octobre !
Si trop de religieux, tue le religieux, vous pouvez diversifier un brin votre programme. Par exemple, vous pouvez visiter un atelier-magasin de laque. Vous y découvrirez que cette matière est de la résine de laquier, un arbre poussant à 1000m dont on récolte à la sève comme pour le caoutchouc. Le travail de cette substance nécessite d'appliquer plusieurs couches sur un objet, au minimum 12 et jusqu'à 20 ! Entre chacune, il faut laisser sécher entre 3 et 10 jours puis frotter et poncer pour que la texture soit lisse et légère. On peut envisager l'intégration de couleurs en mélangeant avec des pigments naturels ou chimiques.
Le matin, il y a aussi les marchés que fréquentent autant les touristes que les locaux. Ces profusions de couleurs sur les étals rendent toujours ce type d'endroits agréables à parcourir. Enfin, vous pouvez louer un vélo ou un scooter et emprunter les innombrables pistes à la recherche de pagodes plus intimistes ou de villages à l'écart des itinéraires classiques. Dans l'un d'eux, Twetwe nous présente le cheroot, cigare traditionnel birman roulé dans une feuille de maïs. Ce sont surtout les femmes âgées qui les fument, possiblement parfois avec les jeunes des cités françaises. Une autre manière de s'intoxiquer est de mâcher du bétel, un mélange de noix d'arec, d'épices et de chaux. Une des vertus est de couper la faim comme la coca dans les pays andins. Mais elle pourrait aussi couper la fin (de votre vie) en cas de consommation régulière. Les personnes qui en consomment la mâche longuement, chiquant un peu partout, ce qui n'est pas très élégant ... A la longue, les dents et les lèvres se colorent en rouge-orangé. Si cela vous tente, pensez plutôt aux M&M's qui sont moins nocifs pour le même effet colorant. Le village que je découvre avec cette jeune guide en herbe compte 120 familles soit environ 500 habitants. En plus des revenus du tourisme, il vit de l'élevage des chèvres. L'électricité n'est arrivée qu'il y a seulement 6 mois, jusqu'à présent on se satisfaisait des panneaux solaires ! Dans ces bourgades, aller étudier au-delà du primaire (5 années d'études) est compliqué car le secondaire (4 ans), le bac (2 ans) et l'université sont chers. Du coup, on préfère envoyer les jeunes mendier et commercer sur les sites principaux car ça rapporte plus et en outre, c'est moins dur que le travail aux champs...
En fin de journée, il est bon de prendre de la hauteur surtout pour ceux qui ne se sont pas offert la petite "folie" de la montgolfière. Tous ceux-là se rassemblent donc sur les terrasses des temples pour observer le spectacle chaque jour renouvelé du soleil déclinant. Les 3 spots principaux sont Dhammayazika, Pyathada et Shwesandaw. Jeux de couleurs sur les sanctuaires qui s'estompent sous l'effet conjugué de la brume de chaleur et des nuages de poussières soulevés par les troupeaux de bovins et de touristes. L'ambiance féérique est garantie, surtout si vous avez des boules Quiès pour vous isoler du brouhaha ambiant. Petit conseil : les places n'étant pas numérotées, présentez-vous un peu en avance pour être bien placé.
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