Mandalay et les anciennes capitales
Mandalay
C'est la seconde ville du pays mais elle est 4 fois moins peuplée que Yangon. Elle a un plan en forme de quadrillage et ses noms de rues sont des numéros comme dans certaines villes américaines. En son centre, un carré fortifié de 2km de côté entouré d'une douve : le Palais Royal. La zone étant aux mains des militaires, on ne peut emprunter qu'une route pour aller au coeur du complexe et en revenir. Une tour en son centre permet d'avoir un panorama sur l'ensemble des bâtiments qui sont souvent surmontés d'une cahute blanche : des postes de garde et de vigie pour les archers. Et en ce qui concerne la monarchie, sa fin date de 1885, le souverain ayant été exilé en Inde par les Anglais. Aucun sentiment royaliste n'a survécu car de nombreux témoignages historiques ont été "retouchés" pour éradiquer toute ferveur potentielle. Déduction : Stéphane Bern ferait aussi un bide au Myanmar.
Au nord, une colline autour de laquelle s'est développée une des légendes sur la fondation de la ville : un ermite s'y serait installé en compagnie de 2 serpents. Cette drôle de cohabitation a attiré des curieux qui ont laissé des dons. Grâce à ces derniers, un monastère a pu être édifié petit à petit. L'ascension sera à coup sûr une expérience assez mémorable pour vous : si les plus sportifs montent à pieds (nus), le gros des visiteurs utilise un escalier mécanique ... également pieds nus puisque telle est la règle pour pénétrer dans les temples du pays. La sensation n'est pas particulièrement agréable mais pour tous c'est sûrement une première, l'idée étant assez saugrenue. Une autre anecdote est attachée au lieu : Bouddha serait venu prêcher ici auprès d'une ogresse. Celle-ci séduite par son discours et n'ayant rien à lui donner en offrande, se trancha les seins et les lui remis. Depuis, cette divinité animiste est honorée ici au même titre que la figure sacrée du bouddhisme. Au sein d'un même sanctuaire, des croyances diverses peuvent donc cohabiter dans ce pays.
En contrebas, un édifice est inscrit au Patrimoine de l'UNESCO pour un record surprenant : il s'agit de la paya Kuthodaw réputée (localement) pour abriter le plus grand livre du monde. Cette distinction est à prendre avec un certain degré d'ouverture d'esprit : il ne s'agit pas d'un Pif Magasine aux dimensions démesurées mais d'un enchevêtrement de 729 pagodes abritant chacune une stèle de 2 pages aujourd'hui en écriture birmane, autrefois en langue pali (indienne). Cette littérature de pierre évoque différents sujets comme la discipline bouddhiste, la philosophie ou les sutras (textes religieux). Vu de haut, l'ensemble a la forme de plusieurs carrés imbriqués un peu dans le genre de Borobudur en Indonésie ou du front de votre collègue fonctionnaire la dernière fois qu'il s'est endormi sur le clavier numérique de son ordinateur.
La ville regorge d'autres curiosités souvent religieuses : pagodes en bois sur pilotis, tours de l'Horloge, cité monastique, temples de l'Inde du Sud où l'accueil est chaleureux mais je ne souhaite pas réaliser ici leur inventaire. Il y a aussi une reproduction "miniature" d'un site attirant beaucoup de pèlerins au sud-est de Yangon : le Rocher d'Or. Héritage de l'animisme qui pousse les gens à prier devant une pierre géante en équilibre au-dessus du vide ?
On peut aussi commencer à découvrir l'artisanat au gré de nombreux ateliers : feuilles d'or, bouddhas de marbre ou de laiton. Pour le premier, deux ou trois échoppes didactiques expliquent le processus de fabrication : des locaux sous-payés sont invités à s'échiner comme des bourrins pendant au mieux deux fois 30 minutes, au pire 5h par une chaleur accablante. Leurs coups de masse répétés permettent de rendre l'or de plus en plus fin. Il sera ensuite découpé en petits carrés puis regroupé en tas pour être vendu aux croyants qui les colleront avec allégresse sur les statues de Bouddhas. Pour les représentations en marbre de ce personnage sacré, le corps est taillé à même un bloc par des ouvriers tandis que la tête est systématiquement laissée à un maître qui suit des canons précis. Tout autour dans le quartier, de la poussière est en suspension que respirent à longueur de journées les travailleurs. Vivre ici doit bien réduire l'espérance de vie... Enfin, pour les statues en laiton, un moule est d'abord réalisé en superposant argile en cosses de riz, cire et à nouveau argile. Le tout est enfourné à l'envers dans un haut fourneau artisanal qui va permettre à la cire de fondre et s'évacuer par des orifices durant toute une nuit. Le matin suivant, il reste à couler un alliage de zinc et de cuivre en fusion dans l'espace laissé libre entre les deux couches d'argile pour obtenir la précieuse sculpture. On ne peut pas dire que les métiers faciles existent ...
Pour finir, je souhaiterais évoquer à l'attention des fêtards de tout poil les nuits agitées de la ville. Enfin, avant 20h parce qu'après vous aurez du mal à trouver même un chat dans les rues. Le contraste avec l'agitation de Yangon est assez marqué !
Les ex (cités royales)
La première est Ava (ou Inwa) à laquelle, si l'on est bon touriste, on accède par l'eau. Parce que tout le monde fait pareil. Donc soit on peut partir de Mandalay, soit il faut traverser une rivière en pirogue. Cela conduit à un débarcadère où vous attendront des calèches à cheval. Quel hasard non ? Du coup, vous montez dans la calèche pour faire le tour de ce site aux bâtiments et ruines très dispersés. A part si vous êtes archéologue en manque de vieilles pierres, ce n'est pas un site des plus époustouflants : un temple en briques où vous pourrez croiser possiblement des serpents, un autre sur pilotis en bois sans avoir la grâce de Bora-Bora, une tour de guet penchée qui ne vous donne pas spécialement envie de quitter Pise et un dernier temple à terrasses. Je ne sais pas pourquoi, je n'ai jamais percé en tant que tour operator ? Du coup, le plus intéressant c'est de surprendre une charrette à boeufs sur les pistes de poussière ou de s'intéresser à l'architecture des maisons en fibres de bambou. Comme vous verrez ces deux dernières caractéristiques ailleurs dans le pays, ne passez pas (trop) par la case Inwa et allez directement à Sagaing.
Pour atteindre Sagaing, il faut traverser un long pont en fer du style de ceux d'Eiffel. A l'autre extrémité, j'imagine que le Petit Prince est passé par là et a dit : "s'il te plait, édifie-moi un stupa !" et l'architecte de répondre "Mais sire, nous en avons déjà élevé tant et tant !". C'est en effet la vision de collines et d'une petite plaine hérissée de stupas qui définirait le mieux l'endroit. Il y en a pour tous les goûts et de toutes les tailles. Sur les reliefs, des escaliers couverts permettent d'accéder aux plus hauts juchés. D'en haut, on pourrait croire à une reproduction d'une Muraille de Chine qui court à l'infini. C'est assez photogénique !
Le site le plus curieux est une grotte artificielle en forme d'arc de cercle dans laquelle sont réfugiés 45 bouddhas : 43 identiques touchant la terre et 2 debouts, le premier et le dernier, le tout dans un alignement parfait. Le chiffre de 45 n'est pas le fruit du hasard mais renvoie aux 45 années de vie terrestre du Bouddha après son illumination. Au Myanmar, on a gardé un petit goût indien pour le kitsch alors on met systématiquement des auréoles autour de la tête de ce personnage et, lorsque c'est possible, qui clignotent.
Et dans un temple voisin répondant au doux nom de Pon Nya Shin, on teste votre naïveté. Un donateur a permis de décorer toute une galerie extérieure de fresques représentant les prophéties d'un ancien roi et qui décriraient parfaitement le monde d'aujourd'hui. S'il y en avait 3 ou 4 dont les prédictions étaient justes je pourrais y croire mais en l'occurrence, il y en a plusieurs dizaines ce qui décrédibilise le message à mes yeux profanes...
Troisième cité où nous marquons une halte : Amarapura. Elle est célèbre pour son pont en tek d'U Bein, long d'1,2km. Record mondial ! Quelques piliers en béton remplacent parfois ceux qui étaient trop endommagés. Des kiosques s'appuient sur le pont çà et là. La hauteur du lac varie au fil de l'année sachant qu'à la saison "sèche", les piliers s'élèvent de plusieurs mètres au-dessus du sol. Tous les matins et plus encore le soir, l'endroit attire les touristes comme une lampe le ferait pour les insectes au milieu du désert. Tous viennent voir l'astre solaire illuminer un paysage particulièrement scénique. Pour la traversée, les premiers hectomètres sont envahis par une foule assez dense à ces heures-là. Mais le premier îlot dépassé, vous serez bien plus tranquille jusqu'au village à l'autre bout de la passerelle. Et pour les plus agoraphobes d'entre nous, des bateliers attendent les clients pour monnayer un peu plus d'intimité. Le chapeau conique du rameur est inclus dans le package.
Plus au centre de la ville, des ateliers d'artisanat vous attendent : broderie, sculpture sur bois, fabrication de marionnettes, soie... Ici on travaille 6 jours sur 7, de 8h à 17h. A ce rythme, une marionnette de cheval de 50 cm de haut nécessite 4 jours de labeur (6 pour les fonctionnaires). Cet art fait partie intégrante des traditions de cette région mais se perd aujourd'hui : 28 personnages interviennent successivement dans la représentation classique : êtres humains, animaux ou divinités. Quant à la soie, elle s'inscrit également dans le patrimoine local : des vers sont élevés à 70km de Mandalay. A l'origine, la soie était réservée à la famille royale. Désormais, il est normal d'en porter à l'occasion de son mariage ou d'un noviciat (nous reparlerons ultérieurement de ce sujet). La teinture est en partie chimique. Avec cette matière, on tisse par exemple les longyis, pantalons traditionnels portés par les hommes.
En s'écartant de quelques mètres seulement de ces prisons à touristes-machines à sous pour guides, il est facile d'observer la vie locale : charrette à boeufs, carriole à cheval, école ... Des tranches de vies bien plus authentiques à mes yeux.
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