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Pèlerinage au Mont Popa

La route de Bagan au Mont Popa n'est pas très longue (à peine plus d'1h) mais permet de découvrir de nouveaux aspects de la vie locale :

  • Le broyage de l'arachide au moyen d'un mortier et d'un pilon actionné par un boeuf. Au bout de 4h, on obtient de l'huile d'arachide. Cette durée peut être modulée selon la fréquence de passage des bus de touristes car les locaux n'avaient pas trop l'air stressés par une cadence quelconque au moment où l'on a débarqué. Tant mieux pour le boeuf !
  • La récolte de sucre de palme : des échelles sont plaquées contre les troncs jusqu'à la cime des arbres. Un homme y grimpe muni de plusieurs récipients et d'une lame. En deux trois incisions bien précises, il déclenche la coulée de suc et n'a plus qu'à positionner son pot juste au-dessous. A partir de cette substance, deux usages principaux sont envisageables : cuisson lente dans des "woks" pour obtenir en 2h de la mélasse (sucre) ou 2 jours de fermentation suivis de 2h de distillation pour produire un alcool de palme et égayer les soirées.
  • Concernant le mariage birman : c'est le garçon qui paie la dot sous forme de terrain, d'animaux, d'une voiture ou d'une moto, d'or ou d'argent ... car le couple va s'installer chez ses parents. Aujourd'hui, les mariages sont d'amour mais l'astrologie a tout de même une influence dans le choix du conjoint. En effet, les jours de la semaine déterminent les compatibilités ou incompatibilités des personnes  comme je l'ai déjà signalé en introduction. Les signes ne s'accordent pas très bien ? Pas de souci : ici, tout problème a toujours une solution. Il suffit de consulter un astrologue qui par ses formules et autres incantations vous arrangera le coup et protégera votre couple du mauvais sort. La cérémonie du mariage a lieu le jour conseillé par l'astrologue. Elle commence à la maison par l'offrande aux moines sous forme de nourriture puisque, de toute façon, ceux-ci sortent tous les matins mendier leur repas (la règle monastique leur interdit de s'alimenter et de boire après 12h). L'officialisation de l'union a lieu à la mairie, les mains sont unies par un ruban. Enfin, un repas est proposé dans un hôtel ou dans la famille. Quant aux invités, ils sont tenus d'apporter des cadeaux aux mariés. Le divorce n'est pas très bien perçu donc rare, surtout à la campagne. Pour finir, le nombre d'enfants par femme s'établit autour de 3 en ville et augmente d'un dans les zones plus rurales.

Il y a des pèlerinages où, croyant ou non, on ressent une ferveur exceptionnelle et où on partage, en silence ou par geste, une sorte de communion avec les autres marcheurs autour de nous. C'est le cas sur les sentiers de St Jacques de Compostelle et du Kailash, à la Mecque ou au Pic d'Adam au Sri Lanka. Et puis, il y a aussi des pèlerinages qui sont aussi vides de sens et avec aussi peu d'intérêt que le dernier discours de votre PDG ou le prochain Euro de foot. Dans ceux-là, on y respire plus le graillon que l'encens sur le chemin et on ne se sent pas mieux sur place qu'un pingouin à l'Elysée. Je rangerais dans cette catégorie deux des derniers que j'ai effectués : celui d'Akshardham (un mix de Disneyland et de Notre-Dame de Lourdes) à Delhi et celui du Mont Popa justement. Tout avait bien commencé pourtant. Récit d'un pèlerinage qui ne vaut pas le détour.

A l'approche de cet éperon rocheux baptisé Mont Popa et qui domine tous les environs, on aperçoit pour commencer des villageois sur les bords des routes en plein milieu de nulle part. Ces gens aux conditions de vie sûrement très rudes comptent sur la bonté des pèlerins en cours de cheminement vers le lieu sacré. Nous parvenons pas très longtemps après dans la dernière ville avant le départ. C'est une halte obligée (dans le bon sens du terme). Dans les stands au bord de la route, il est possible d'acquérir une bouteille dans laquelle des fleurs jaunes baignent dans un liquide. C'est un porte-bonheur et une coutume aussi importante que l'eau bénite à Lourdes par exemple. Lors de notre passage dans cette cité, un groupe joue de la musique ultra-moderne et moche, enceintes au maximum. Au pied du podium, un père de famille à l'air un peu éméché (ce n'est possiblement qu'une illusion) effectue devant la foule une danse dont lui seul possède la chorégraphie. Ce faisant, il distribue à la volée des liasses entières de billets, ce qui fait davantage l'unanimité : des enfants se précipitent et quelques adultes aussi. Selon toute probabilité, son comportement pourrait être lié à un noviciat, une fête qui marque l'entrée des jeunes hommes au monastère.

Quelques tours de roue plus loin, nous arrivons au pied de l'escalier qui monte au sanctuaire. Avant de se jeter à corps perdus dans l'ascension, nous marquons une halte dans le bâtiment en face de l'escalier comme le font tous les croyants. Il s'agit du pavillon des nats. Je l'ai déjà brièvement dit : au Myanmar, animisme et bouddhisme cohabitent. Les nats sont des esprits qui peuvent diriger une région entière ou les éléments naturels, ils peuvent entrer dans une personne et la pousser à adopter un comportement intolérable. Ils sont donc autant respectés que craints. Souvent ce sont d'anciens personnages de haut-rang à la fin plutôt tragique. On peut trouver des signes de leur présence un peu partout : dans les temples, dans la rue, sous les banians sacrés (ficus), dans des maisons des esprits, dans les habitations, sur le lieu de travail, dans des véhicules ... Bien qu'il y en ait une multitude, le pavillon abrite les 37 "officiels". Les croyants viennent ici pour faire des offrandes (billets, guirlandes de fleurs, ...) et obtenir protection.

La montée peut désormais commencer par un escalier de 777 marches qu'il va falloir majoritairement parcourir pieds nus. En plus des humains, le site est fréquenté par de nombreux macaques. Etant fort habitués à recevoir des présents des gens de passages, ne les tentez pas en mangeant devant eux et attention à certains de vos effets personnels qui pourraient disparaître promptement. La partie que l'on peut parcourir chaussé est une succession ininterrompue d'échoppes souvenirs (pas que pour les touristes) d'où ma description acerbe au début de cet article et ma déception. On se sent plus sur un site touristique que dans une ambiance de pèlerinage. Ensuite, les escaliers se font plus raides jusqu'au sommet. Toutefois, la progression n'est physiquement pas très éprouvante si on l'effectue à son rythme. Pour preuve, des anciens comme de très jeunes enfants effectuent l'ascension.

Parvenu au sommet, l'espace s'avère compté. D'innombrables temples et sanctuaires sont enchevêtrés les uns dans les autres avec une certaine sensation de fouillis. Les fidèles rentrent dans un bâtiment ou un autre pour y faire une offrande et/ou une prière. Les selfies semblent presque aussi prisés que les divinités. Et une nouvelle fois, en occidentaux, nous faisons l'objet de plusieurs demandes de clichés. Vous n'étiez pas venus pour les nats à la base ? Je me laisse cependant volontiers tirer le portrait à condition de pouvoir ensuite à mon tour prendre un cliché. Et lorsqu'on me prend à la dérobée, je n'hésite pas à interpeler le ou la timide pour qu'il ou elle recommence avec mon consentement cette fois-ci.

Après avoir tutoyé ce mix de sacré et de profane, nous poursuivons la route et déjeunons à Meiktila, 2nde ville de la région. Elle est établie au bord d'un lac, a une forte vocation universitaire et un gros bateau-canard comme le Karaweik de Yangon sauf qu'il fait ici office de lieu de prières.

Nous nous dirigeons ensuite vers l'Etat Shan, traversant des paysages de rizières plates, de montagnes ou de forêts clairsemées. Ce dernier qualificatif me permet de souligner qu'en seulement 20 ans, la moitié du couvert forestier a disparu et que seul 25% du territoire reste boisé. Une partie de l'explication est à chercher dans l'exploitation du tek exporté massivement vers le Viêtnam ou dans l'importance de l'agriculture et des mines dans l'économie locale qui pousse à défricher à tout va.

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