Le lac Inlé
Un des principaux "camps de base" pour la visite du lac Inlé, si ce n'est le principal, est la ville de Nyaung Shwe, coincée entre les rizières et la zone lacustre. Le nombre de temples y est très élevé. Un petit marché s'y tient tous les jours. Les quartiers les moins favorisés se trouvent au nord de la ville. On peut y surprendre des gens qui se baignent et font la lessive dans les canaux en fin de journée, des logements plus ou moins sommaires, un bras de canal où les marchandises sont chargées ou débarquées de pirogues. La ville est en outre très sûre. Pour preuve j'en veux mon expérience de tête de linotte qui a laissé son porte-monnaie et son passeport dans le panier de sa bicyclette de location sur la rue principale pendant plusieurs minutes. Je n'ai rien perdu ! En fin de journée, les jeunes locaux se rassemblent devant une sorte de skate-park tandis que les touristes préfèrent les bars.
Le lac Inlé mesure 11km sur 22km de longueur mais il ne s'agit pas que d'une étendue d'eau. Une partie de cette aire est couverte de marais, canaux ou jardins flottants. Sa profondeur est incroyable : seulement 2m maximum ! Partout on voit des plantes aquatiques qui affleurent ... Le lac se meurt et est également de plus en plus pollué. Il reste des pêcheurs mais une partie d'entre eux pêchent désormais le touriste en reproduisant la carte postale représentative du pays : un homme en équilibre sur un pied soulevant une nasse conique de 2m.
La technique de pêche (du poisson) est la suivante : le pêcheur enfonce sa nasse dans l'eau autour du poisson. Comme elle fait dans les 2m, son sommet dépasse de la surface. C'est le seul endroit où il n'y a pas de filet. Le poisson est donc prisonnier. L'homme prend ensuite un trident et pousse sa proie vers les bords de la nasse pour qu'il s'entortille dans le piège. Quand l'animal est au bord, il n'y a plus qu'à lâcher le filet : des anneaux vont coulisser le long des tiges de la nasse jusqu'en bas, piégeant littéralement le poisson sur qui le filet s'abat. Il ne reste qu'à remonter le fruit de la pêche puis à remettre le mécanisme en place. D'autres pêcheurs utilisent plus communément un filet standard et frappent à intervalles réguliers sur la surface avec leur rame pour effrayer la proie et la faire fuir dans la direction voulue.
La manière de se déplacer est aussi unique : ils sont seuls sur leur embarcation avec un pied enroulé autour de la rame (donc en équilibre sur l'autre pied). Ils se déhanchent pour avancer en dessinant une sorte de "8".
Aujourd'hui, le lac Inlé souffre aussi du tourisme. Etant un lieu considéré comme incontournable dans le pays, des complexes hôteliers poussent comme des champignons (vénéneux) sur ses berges voire même sur l'eau ! Ils sont loin de toujours respecter l'architecture locale et défigurent certains coins du lac. La plupart des villages lacustres se sont en outre transformés devenant des magasins-ateliers de démonstration pour tous les visiteurs de passage. Pour réaliser l'ampleur de ce flux, il faut imaginer que le lac ressemble presque à une autoroute : un peu partout autour de votre pirogue vous verrez des gerbes d'écume projetées dans les airs. Chacun de ces jets est une pirogue, le plus souvent pour touristes (5 places), le reste du temps pour locaux (jusqu'à 20-25 places pour la même taille). L'excursion à pirogue est donc un incontournable mais dont le but principal est de passer d'un artisanat à l'autre. Parmi ces haltes, je citerai In Paw Khone pour la soie, Nampan Market pour le cigare, Ywama pour l'argent, le tissage en fibre de lotus, les forgerons ... Les pirogues de touristes sont innombrables au point de parfois faire la queue pour débarquer. Du coup, les locaux ne doivent plus vivre au calme, ont perdu leur intimité et sont en permanence photographiés. Cela se retrouve dans les attitudes : si beaucoup sourient et saluent de la main à votre passage, d'autres ne répondent même plus, "font la gueule" voire tirent la langue ! Dans un peuple où, même malade, on sourit toujours, le geste est éloquent ...
Une des principales attractions du lac est le marché des 5 jours : le village qui accueille l'événement tourne chaque jour de la semaine. Le jour-dit, les lieux débordent d'animation avec des étals dans tous les sens et même sur le sol. Il s'agit majoritairement de produits à destination des locaux (alimentaire, vêtements, produits culturels et ménagers) et de quelques coiffeurs ou restaurants. Néanmoins, au vu de la fréquentation touristique, quelques souvenirs commencent à apparaître ici et là. Les plus commerçants dans l'âme ont même mis au point une technique assez déroutante pour nous : à l'approche des pirogues occidentales, ils pagaient comme des fous et les abordent tels des pirates. Une fois accrochés à l'embarcation visée, il est aussi dur de les décrocher qu'une moule de son rocher.
Une promenade dans les allées est un spectacle prisé pour les couleurs, les odeurs et les beaux portraits. Il convient de faire toutefois attention à son attitude car le manque de correction est très fréquent. Nombre d'entre nous sont tentés de "voler" des portraits ce qui peut s'expliquer par la timidité dans le meilleur des cas ou l'indifférence dans le pire. Sauf qu'une certaine proportion de locaux sont exaspérés par ce comportement qui se répète jour après jour. Et je le comprends car, vu la fréquentation occidentale, il m'a semblé quelques fois être dans un zoo humain. Il m'est arrivé aussi de céder à cette facilité mais la plupart du temps, j'ai préféré au moins demander l'autorisation du commerçant et parfois prendre le temps d'un bref échange en amont. La photo a de suite plus de sens dans ce dernier cas car elle est associée à un souvenir plus précis.
D'autres attractions sont les monastères :
- le plus célèbre est la Paya Phaung Daw Oo qui abrite 5 statues ultra-vénérées de Bouddha. Celles-ci ont une apparence unique et singulière : à force d'être recouverte de feuilles d'or par des générations de pèlerins, elles ont perdu leur apparence humaine pour ressembler à un empilement de cailloux. Elles sont exposées au coeur du temple dans un espace où seuls les hommes peuvent pénétrer (pourquoi?) mais visible même des femmes. Une fois l'an, les statues sont sorties pour une procession sur le lac à bord du désormais fameux "bateau-canard". Selon les témoignages des locaux, une de ces cérémonies aurait essuyé une tempête, la barge a alors chaviré engloutissant à jamais l'une des statuettes originales. Comme pour authentifier cet événement, un poteau est planté aujourd'hui au milieu du lac, à l'emplacement de ce drame. Au cours, de mon passage, j'ai pu aussi surprendre une cérémonie de noviciat avec arrivée en pirogue, le cheval se prêtant de suite moins à la célébration dans ce cadre vous en conviendrez.
- un autre monastère dans lequel nous avons fait une halte est celui des chats sauteurs. Quand on voit le premier spécimen de félin à la descente du bateau, on se met un peu à douter de cette capacité à bondir tout en retombant sur ses pattes ... L'animal se serait tordu le cou qu'il ne serait pas positionné autrement ! Après s'être assuré qu'il respirait encore, nous sommes entrés à l'intérieur de ce temple en tek et en or pour faire remonter notre bouddhamètre un peu mis à mal ces derniers temps par les randonnées et les artisans. Le saint est ici souvent représenté dans une sorte de palais en or et a un style très différent de ceux que nous avons vus jusque-là.
- le dernier temple visité est sur la terre ferme et se nomme Paya Shwe Inn Thein. Sa principale caractéristique à mes yeux est qu'il doit détenir la plus grande concentration de stupas au mètre carré ! Ceux du bas du site sont les plus anciens, en état de délabrement avancé et en symbiose étonnante avec la nature au point que des arbres poussent dans leur sommet. Les stupas de la partie supérieure sont par contre bien plus récents et mélangent les couleurs parfois sans modération. Si vous souhaitez vous débarrasser d'enfants turbulents, c'est le lieu idéal pour une partie de cache-cache avant de prendre la tangente doucement (note de l'auteur : cette stratégie fonctionne aussi avec les belles-mères ou les amis trop bavards ...).
Si je n'en cite ici que 3, il ne faut pas pour autant penser que j'en ai dressé une liste exhaustive : tout autour du lac, où que vous alliez, vous êtes sûr(e) de tomber sur un Bouddha, un temple ou un stupa. Il ne s'agit pas non plus forcément des plus beaux : en organisant par vous-même une petite escapade, vous aurez probablement la possibilité d'en voir de très jolis ou originaux. Alors partez en exploration hors des sentiers trop battus !
Terminons cette découverte du lac par ses coins moins fréquentés : que ce soit à pied, à vélo (souvent mis gracieusement à disposition par les hôtels) ou en scooter, il ne tient qu'à vous d'aller voir à peine plus loin que ce qu'on veut bien vous montrer dans les circuits les plus réputés. Je ne citerai ici que quelques exemples d'endroits où je me suis personnellement rendu. N'ayant été sur place que 4 jours, ils sont nécessairement en nombre réduit.
- A moins d'un kilomètre de Nyaung Shwe : le bâti s'arrête très vite et l'on se retrouve de suite dans la campagne. Les paysages de rizières sont magnifiques et photogéniques tant le matin pour observer l'activité des agriculteurs avant les fortes chaleurs de l'après-midi qu'en soirée pour admirer le coucher de soleil dans un endroit on ne peut plus paisible. Et dans la ville même ou ses faubourgs, vous rencontrerez facilement les nonnes qui mendient leur nourriture, de jeunes moinillons jouant au foot, les activités de lessive déjà mentionnées ...
- Les canaux moins fréquentés du lac pour y découvrir de beaux villages pas encore sur-fréquentés ou des jardins flottants où règne plus de silence et moins de bruits de moteurs. Il est même possible d'envisager une randonnée à terre entre deux sessions de pirogues. L'occasion de voir véritablement l'envers du décor : le travail paysan, la fabrique de produits pour le prochain marché, les enfants qui vous saluent à travers la fenêtre ou sur la piste, les bêtes que l'on mène au champ et parfois hélas des locaux qui vous associent à une tirelire ambulante mais peut-on les en blâmer vu que nous les envahissons depuis des années ?
- A 1h de Nyaung Shwe en véhicule léger (vélo ou scooter) : le pont de Maing Thauk. Si vous avez raté celui d'U Bein, l'avez fui car envahi de hordes de touristes ou s'il vous a tout simplement séduit, il s'agit d'ici d'un équivalent. Il est toujours sur pilotis, également en tek, mesure 400 mètres de long et est nettement moins fréquenté. Le cadre est très agréable au soleil couchant notamment. Tout au bout, le petit village accessible uniquement en pirogue et un hangar pour une barque particulièrement allongée : chaque année a lieu une course de rameurs et voici l'une des embarcations utilisées pour l'occasion.
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